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LA MARQUISE DE GANGE

jamais. Ne puis-je donc remplir auprès de vous tous les soins que vous pouvez attendre de lui ? Si les lois nous interdisent le bonheur en France, il est d’autres pays où nous pouvons vivre, et ma patrie sera toujours aux lieux que vous me permettrez d’habiter avec vous. Suivez-moi, Euphrasie, suivez-moi, et mon bonheur est assuré, s’il est possible que vous me croyiez capable de contribuer au vôtre. — Ainsi tout ce que vous venez d’exécuter n’est donc point par l’ordre de mon mari ? En ce cas, c’est un raffinement bien maladroit pour me faire tomber dans vos pièges. — Non, madame, non, tout le mal que j’ai fait est par ordre, le bonheur seul viendra de moi. — Eh bien ! je ne l’achèterai jamais à ce prix ; vos trames sont découvertes, monsieur : peut-être possédé-je autant de talent pour les démêler que vous mettez de finesse à les ourdir. Cet art est la ressource du faible ; il lui est accordé par la nature, pour se garantir de tout ce que le plus fort peut employer contre lui je vous ai donc deviné, monsieur ; faites d’après tout cela tout ce que vous voudrez ; mais soyez sûr que j’opposerai toujours à vos ruses et à vos efforts toute l’énergie que le ciel m’a donnée pour me défendre. — Je vous conjure, madame, reprit l’abbé, de revenir à des sentiments plus doux pour moi. Vous aimez votre mari ; eh bien ! moi seul je puis vous rétablir dans son esprit, moi seul je puis vous