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LA MARQUISE DE GANGE

rains : le bonheur des sujets a nécessairement légitimé leur divorce. Le crime est nul chez le souverain, toutes les fois que le bonheur de son peuple l’exige ou le lui prescrit ; mais entre nous autres particuliers, rien n’atténue la force du mal, rien n’en impose’la loi ; de ce moment, le divorce reprend toute la physionomie du crime, que la politique lui faisait perdre. Que voulez-vous que deviennent des enfants qui n’ont plus de mère, dès que cette mère s’éloigne d’eux par son inconstance ; dès qu’en donnant le jour à d’autres, elle va nécessairement négliger les premiers ? En un mot, l’inconstance seule, et par conséquent le libertinage, motive le divorce chez l’époux qui le désire : de ce moment, voilà les effets aussi criminels que leur cause. Dès qu’une femme rompt avec son premier époux, parce que, n’étant pas contente de lui, elle veut en connaître un second, il n’y a plus de raison pour qu’elle n’en connaisse pas un troisième, un quatrième, etc., etc. Or, de ce moment, quel cas pouvez-vous faire de cette femme immorale ? La mépriser est ce qu’on lui doit ; et s’il existe un second devoir envers elle, assurément, c’est de ne point l’épouser. Le climat, l’inconstance naturelle aux hommes, ont pu faire adopter le divorce chez certaines nations, je l’accorde ; mais, toutes les fois qu’un peuple n’a pas ces mêmes motifs, il ne doit jamais se le permettre.