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LA MARQUISE DE GANGE

Examinons, si vous voulez, cette bizarrerie sous le rapport du sentiment. De quel prix peuvent être aux yeux du second mari les serments d’une femme qui n’a pas pu tenir ceux qu’elle avait faits au premier ? Et croyez-vous qu’il puisse être heureux, cet époux toujours dans la crainte ? À cette crainte succède de bien près le refroidissement : et où est le bonheur du mariage entre deux époux, dont l’un ne peut absolument ni estimer ni aimer l’autre ? Quelle différence faites-vous, en un mot, d’une épouse divorcée à une épouse infidèle ? Et si le mépris peut accompagner celle-ci, pourquoi ne sera-t-il pas la juste punition de l’autre ? Si le manque de foi d’une femme envers l’homme auquel elle jure fidélité est un crime, il l’est de même avec la frivole autorisation de la loi ; car, que le crime soit dans la loi ou dans la simple volonté de la femme, il est également crime dans l’un ou dans l’autre cas : il l’est ici, parce que la femme le veut ; dans l’autre hypothèse, il l’est de même puisqu’elle s’était autorisée d’une tolérance véritablement criminelle. Des peuples ont permis le vol : cette action, en raison de cela, cessera-t-elle d’être criminelle à vos yeux ? Non, sans doute ; c’est l’action seule qu’il faut considérer, et non pas les motifs du législateur qui la permet ou qui la défend. Mille raisons ont pu autoriser cette singularité dans lui ; aucune ne peut l’excu-