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LA MARQUISE DE GANGE

cet héritage parvienne intact dans les coffres du mineur, sans que nous puissions en distraire une obole. Mais si nous nous défaisons d’elles… est-il bien sûr d’abord que nous le pourrons en sûreté ; ensuite qu’il ne sera pas nommé un conseil de tutelle, pour garantir la succession, et pour s’opposer à toute espèce de distraction de notre part ? Les amis, les parents du testateur ne se réuniront-ils pas pour mettre l’héritage à couvert ? Nous n’avons pas, ni mes frères ni moi, des principes bien sévères sur l’économie ; on craindra nos déprédations ; on assurera l’héritage, et nous en serons encore beaucoup moins les maîtres que nous ne le serions quand ma sœur ou sa mère en seront les dépositaires. Euphrasie, toujours folle de son mari, fera, je le pense au moins, toujours bien plus pour lui que pour son propre fils. Nous avons aigri ces dames, je le sais ; mais rien ne se ramène aisément comme les femmes : leur cœur est naturellement si bon, si sensible, leur caractère si changeant, leur esprit si léger, qu’il y a toujours bien près chez elles de l’amour à la haine, et de la haine au pardon. Mon avis est donc de les relâcher sur-le-champ, de les consoler, de les adoucir, et de les renvoyer le plus tôt possible à Avignon, où le marquis fera ce qu’il voudra pour achever de les calmer. Je les conduirai moi-même, et sois certain, Perret, que ce parti nous réussira mieux que tout autre.