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LA MARQUISE DE GANGE

mort, achevèrent de compléter la masse des preuves. Qui n’eût pas été persuadé par de telles présomptions ? et, avec la jalousie de mon frère, qui ne s’en serait pas trouvé révolté ? Il a agi contre vous, madame, poursuivit Théodore, en regardant Euphrasie, par deux motifs égaux dans leur base. Il m’avait supplié de chercher à vous faire croire que j’avais pour vous les mêmes sentiments que Villefranche : d’abord, pour que je pusse voir si votre penchant naturel vous portait à de semblables fautes ; ensuite, pour me donner les moyens de gagner votre confiance, et tirer de vous la vérité des faits, si nous eussions vécu l’un et l’autre dans une plus grande intimité. J’ai mis ces deux moyens en usage, et je dois ici l’aveu public qu’ils n’ont servi qu’à faire mieux éclater votre innocence. Tout était soigneusement écrit chaque jour à mon frère, qui, ne cessant d’être pénétré de vos torts, s’éloignait toujours de tout ce qui pouvait prouver votre justification. Afin de ne pas se noircir dans le monde, la détention de madame de Gange commençant à faire du bruit, il fit partir madame de Châteaublanc pour Gange, et l’on publia dans Avignon que la sévérité qu’il employait avec sa femme était d’accord avec sa famille, et qu’aussitôt qu’il y envoyait sa belle-mère et son fils, cette sévérité n’était pas aussi grande qu’il plaisait à certaines gens de la peindre, dans une ville où l’on sait que la calomnie