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LA MARQUISE DE GANGE

rains pontifes y firent dans l’espace de soixante-douze ans, sous sept papes difi’érents, depuis Clément V jusqu’à Grégoire XI, restaurateur du Saint-Siège à Rome, est située dans une plaine aussi fertile qu’agréable. Assise sur la rive orientale du Rhône, cette ville pouvait être, par cette position, l’entrepôt d’un très grand commerce ; et elle l’eût été, sans l’inactivité, sans la molle indolence de ses habitants, qui, presque tous nobles, avocats ou abbés, admettaient à peine parmi eux quelques marchands. Il résultait de là que la quantité de consommateurs sans magasins de consommation devait, tôt ou tard, faire régner la misère dans une province où l’or, toujours écarté du pays, ne pouvait plus se trouver en harmonie avec ce qui devait lui être échangé.

Ce fut Innocent VI qui, pour se défendre des incursions de l’archiprêtre Cervolles, chef de bandits, éleva autour de cette ville les superbes murailles qui font l’admiration de tous les voyageurs. Un des autres motifs de ce pape, dans cette construction, fut encore de caractériser, par cet acte de grandeur, la souveraineté que son prédécesseur, Clément VI, venait d’acquérir de ce beau pays, à qui Jeanne de Naples, fille du bon roi Robert, venait de le vendre, en 1348, au prix de quatre-vingt mille florins[1] ; acquisition d’autant plus singulière que Jeanne n’avait pas

  1. Quarante-huit mille francs argent de France.