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LA MARQUISE DE GANGE

le cardinal de Retz ; la retraite de la cour à Saint-Germain, où tout le monde coucha sur la paille ; la minorité de Louis XIV, qui, pour lors, n’avait encore que onze ans ; toutes ces causes désastreuses, enfin, ne préparaient pas, on le voit, un horizon bien serein sur les premiers jours de l’hymen que mademoiselle de Rossan, fille de l’un des plus riches gentilshommes d’Avignon, venait, en 1649, de contracter avec le comte de Castellane, fils d’un duc de Villars.

Tels étaient néanmoins les événements du jour, lorsque cette jeune beauté, à peine âgée de treize ans, parut, sous l’égide de son époux, à la cour du roi mineur ; et ce fut là que ses grâces, l’aménité de son caractère et la plus céleste figure lui captivèrent bientôt tous les cœurs. Il n’y eut pas un seigneur de cette cour galante qui ne plaçât son orgueil à mériter d’elle un regard ; et le jeune roi lui-même, en dansant plusieurs fois avec elle, prouva, par les discours les plus flatteurs, à quel point il rendait hommage à toutes les qualités de cette jeune comtesse.

À l’exemple de toutes les femmes vertueuses, madame de Castellane, singulièrement attachée à ses devoirs, ne tint compte de ces applaudissements universels, que parce qu’ils devenaient pour elle des motifs de plus à les mériter davantage. Mais, plus un être est favorisé de la nature et de la fortune, plus on voit bien souvent le sort