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LA MARQUISE DE GANGE

— Toutes ces politesses sont d’usage, répondit Euphrasie ; je n’ai point encore paru dans Avignon depuis que je suis arrivée de Paris. On est fort curieux ici ; on a voulu se satisfaire, et l’on a cru devoir me louer : de là seulement sont nés les éloges dont vous voudriez que je m’enorgueillisse : ceux de mon mari sont les seuls auxquels j’aspire, et je n’en désirerai jamais d’autres. — Il a eu, dit le chevalier, la barbarie de se refuser bien longtemps à la justice qui vous était due ; et, quelque éloigné que je fusse de vous, je vous assure que je partageais bien votre situation. — Qui n’a pas éprouvé quelques petits moments d’injustice dans la vie ? J’avais commis une imprudence, je devais en porter la peine. — Soit, mais vous conviendrez qu’elle a surpassé la faute, et que mon frère a été, je crois, beaucoup plus loin qu’il ne fallait. — Je ne serai jamais de votre avis, tant qu’il faudra trouver des fautes à Alphonse : celui qu’on aime a toujours raison ; l’excuser est un devoir ; lui pardonner une jouissance. — Quelle âme que celle de ma chère sœur, et qu’il est heureux, celui qui la captive ! — Vous voyez que non, chevalier ; car assurément Alphonse ne se croyait pas tel avec moi. — Vous avez beaucoup souffert dans tout ceci ? — Je revois mon mari, tout est oublié. — Mais ce Villefranche s’est bien mal conduit. — Il est des étourderies que l’on pardonne à l’âge : vous conviendrez