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LA MARQUISE DE GANGE

avec lui, et sa succession perdue pour elle.

— Voilà le plan le plus infernal qu’il soit possible de construire, dit Valbelle, et je crois qu’il faut convenir, chevalier, que tu l’emportes sur nous dans l’art savant de tromper et de ruiner une femme.

— Mes amis, dit de Gange, il y a des choses véritablement fâcheuses, mais dont la nécessité fait oublier le désagrément. Dès que j’aime cette femme, il faut bien que je l’aie ; et, dès qu’elle veut être plus riche que moi, il faut bien que je la ruine. Point de justice, point d’équilibre dans le monde, si ceux qui désirent n’ont rien, et si ceux qui n’ont rien à désirer ne partagent pas avec les autres. — Et que dira le marquis à tout cela ? objecta Valbelle. — Il s’arrangera d’un autre côté : il aura ici des femmes tant qu’il voudra, et de l’argent plus qu’il n’en espère. Vous voyez bien que je pense à servir ma famille. Oh ! croyez-moi, mes amis, j’ai beaucoup plus d’ordre et de raison que vous ne pensez. — Quand tu voudras nous le prouver, dit Valbelle, ne t’appuie pas sur la logique dont tu viens de te servir. Quoi qu’il en soit, c’est fini ; le chevalier nous a distribué nos rôles : tu commences, mon cher duc, et je te suis. — Voilà qui va à merveille, dit Caderousse ; mais si, par hasard, en travaillant pour toi, je trouve une belle occasion, je ne t’irai pas chercher pour en profiter. — C’est cependant