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LA MARQUISE DE GANGE

gagnons le bac de la Durance, allons droit à Aix, et nous y trouverons des voitures pour Avignon. Mais soutiendrez-vous bien ce long trajet à pied ? Eh ! se fatigue-t-on en fuyant le malheur ? Hâtons-nous seulement, et soyez sûr de moi.

On vole… Madame de Gange n’entend pas un seul bruit qu’elle ne le prenne pour celui de la voiture de son ravisseur. Victor la rassure, et l’on arrive au bac. Mais on ne peut passer le torrent : fortement augmenté par l’orage, il inonde toute la campagne ; et, quelques instances que l’on fasse au batelier, il refuse à des gens qui, d’ailleurs, ne lui paraissent pas d’une grande importance. Il faut attendre que les eaux se retirent, et combien cela durera-t-il ?… Où s’établira-t-on pendant ce temps ?

À deux cents pas, s’offre, sur la droite, une malheureuse taverne de contrebandiers. Entre la prise de possession de ce logis et le retour par le chemin que l’on vient de suivre, point de milieu : si le premier projet fait craindre les inconvénients de la plus mauvaise compagnie, le second présente ceux bien plus dangereux de la rencontre du ravisseur. Madame de Gange voudrait attendre dans le bac ; mais le patron n’y consent que pour une couple d’heures, et les oblige de sortir ensuite. Il fallut donc s’arranger dans la petite auberge. — Ah ! dit Victor, en reconnaissant de loin un personnage effrayant qui fumait à