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LA MARQUISE DE GANGE

tort de ne pas presser Euphrasie ; qu’il avait reconnu en elle le penchant le plus décidé pour lui. « Tu es sûr de vaincre, mon ami, si tu veux te présenter au combat. Ah ! qu’il y aurait de temps que cette lutte serait terminée si j’étais à ta place ! » Le crédule chevalier, pénétré de ce qu’il vient d’entendre, vole chez Euphrasie, et, à un peu plus d’égards près, il la quitte avec aussi peu d’espoir.

Depuis plus d’un an la marquise de Gange vivait dans une telle retraite qu’il devenait impossible à la calomnie de l’atteindre. L’aventure de Caderousse lui avait fait beaucoup de tort et, grâce aux soins de ceux qui voulaient la perdre cette histoire avait été tellement rendue, tellement défigurée, que c’était avec beaucoup de peine que le public commençait un peu à revenir.

Valbelle était presque le seul des jeunes gens de la ville que la marquise reçût avec le chevalier.

— Allons, dit enfin de Gange à son complice, la douceur, les bons procédés ne nous font rien gagner avec cette femme, et elle gagne avec le public le temps qu’elle nous fait perdre : il ne faut pas laisser plus longtemps refleurir cette réputation que nous voulons détruire : on finirait par la croire sage, et cela deviendrait funeste à nos projets. Ne donnons pas le temps aux plaies de se refermer ; il faut achever de les déchirer quand elles saignent encore. C’est ton tour,