Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
270
LA MARQUISE DE GANGE

voir madame votre mère ; elle va mieux et m’a paru désolée du quiproquo de cette adresse dont elle s’attribue toute la faute ; elle vous désire avec impatience.

— Ô madame, que j’ai de grâces à vous rendre ! dit Euphrasie, je n’attends plus de vos bontés que de vouloir bien m’y conduire tout de suite. — Assurément, dit le comte de Valbelle, ni ma cousine, ni moi, ne vous abandonnerons ; mais permettez-moi cependant de vous faire observer qu’il est tard, et qu’arrivée chez moi depuis le matin, vous n’avez pas seulement accepté un potage. — Oh ! non, non, nous partirons tout de suite, je vous en supplie, dit madame de Gange : je ne veux point abuser de vos honnêtetés, et vous devez sentir à quel point je désire embrasser ma mère. — Eh bien ! madame, nous sommes à vos ordres, dit Valbelle, en ordonnant qu’on mît des chevaux à l’une des voitures de son oncle. Vous êtes, vous et ma cousine, toutes deux trop fatiguées pour entreprendre cette nouvelle course à pied : montons. L’on avance vers le quartier où l’on a affaire.

Mais quand madame de Gange s’aperçoit que l’on sort de la ville, et qu’il fait presque nuit, elle s’inquiète ; son âme s’enveloppe des mêmes crêpes qui vont obscurcir l’imposant spectacle de la nature, et son front altéré peint déjà tous les frémissements de son cœur. — Cette