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LA MARQUISE DE GANGE

mon crime… Quel foyer de lumière pour vous !… Au nom de Dieu, daignez m’entendre : c’est la seule façon dont je puisse reconnaître toutes vos bontés pour moi. — Taisez-vous, Deschamps, je vous l’ordonne… Si j’avais l’air d’avoir acheté vos aveux, quel mérite me resterait-il auprès de vous ? Vous avez servi des méchants ; je n’ai pas besoin de les connaître, cette révélation les dégraderait dans mon cœur : ils le sont assez par leur crime ; je n’en serais pas plus heureuse, et vous ne le seriez pas comme je veux que vous le deveniez. Vous irez à pareil jour, tous les ans, chercher chez mon notaire une somme semblable à celle que je vous donne. Songez qu’elle cessera de vous être payée le jour où le nom de vos séducteurs et de mes ennemis aura pu sortir de votre bouche.

— Ô modèle de toutes les vertus ! s’écria Deschamps, en se traînant avec sa femme sur les pas d’Euphrasie, qu’ils arrosaient de leurs larmes, vous égalez en ce moment par ces vertus celles de notre divin Sauveur, qui bénit ses bourreaux sur la croix.

La marquise sort, en ordonnant à Deschamps de rester chez lui. Mais, à peine est-elle à la porte qu’elle y trouve l’abbé de Gange. — D’où venez-vous, madame ? lui dit-il insolemment. Une femme comme vous doit-elle se trouver dans de tels quartiers ? — Je me glorifierai toujours d’être dans ceux où je pourrai soulager la misère.