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LA MARQUISE DE GANGE

dit-elle à son époux. — C’était le goût de nos ancêtres, nous les abattrons si tu veux. — Oh ! non, non, respectons tout ce qui nous rappelle les vertus de ceux qui les construisirent ; les mœurs aimables et douces de la cour que nous quittons tempéreront les idées, peut-être un peu sombres, que ces antiquités font naître : et n’embelliras-tu pas toujours les lieux témoins de notre bonheur ?

Le marquis étant attendu dans son château, tout parut disposé pour sa réception. D’anciens et fidèles domestiques du comte de Gange, son père, vinrent offrir leurs bras aux jeunes époux, et les accablaient de ces compliments naïfs qui n’émanent jamais que du cœur. Tous retrouvaient, disaient-ils, sur le front de leur jeune seigneur, les traits majestueux et chéris de leur ancien maître ; et ces éloges plaisaient à la marquise. — Oui, mes enfants, leur disait-elle, il ressemblera à celui que vous chérissez ; vous aimerez le fils comme vous avez aimé le père ; c’est moi qui vous réponds de ses vertus…

Des larmes coulaient sur les joues sillonnées de ces braves gens, et ils portaient leurs jeunes maîtres en triomphe dans ces vastes foyers où ils avaient si fidèlement servi celui qui l’avait précédé.

Encore un peu d’effroi dans la douce Euphrasie, lorsqu’elle entendit l’écho retentir sous les pas de ceux qui s’avançaient sous ces voûtes antiques,