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LA MARQUISE DE GANGE

laissant subsister ce testament, qu’elle n’a pas pour lui les mêmes sentiments, et que cette espèce de réticence la ferait accuser de fausseté. La perfide logique de ce traître parvint à décider la marquise qui n’était plus soutenue par sa mère ; et, sans détruire son authentique déclaration, elle fit un nouveau testament en faveur de son mari.

De ce moment, le chevalier parut au comble de ses vœux ; mais une chose inouïe qui se comprend à peine, qu’aucun mémoire du temps ne peut nous expliquer, et qui prouve qu’un inconcevable aveuglement est toujours la suite des complots criminels, c’est que le chevalier, qui devait être bien instruit de la déclaration authentique faite devant tous les notables d’Avignon, le lendemain de la signature du premier testament, ou crut inutile d’en parler, ou l’oublia, de façon que ce dernier acte passé à Gange, par la marquise, se trouvait absolument nul.

Que l’on se garde bien néanmoins ici de soupçonner madame de Gange d’aucune espèce de fausseté : aucune infamie de ce genre ne pouvait noircir une telle âme. Cette mère intéressante se devait bien autant à son fils qu’à son époux, peut-être davantage. En faisant ce que le chevalier voulait, Euphrasie assurait sa tranquillité, et ne faisait courir aucun risque à son fils, puisque la déclaration d’Avignon annulait tout ce qu’on