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LA MARQUISE DE GANGE

voyant prête à choir, il la retient par le cordon de la jupe qu’elle vient de passer, et, la redressant ainsi, elle tombe sur ses pieds, au lieu de tomber sur la tête. L’indigne Perret, désespéré de voir échapper sa proie, saisit de grands vases de fleurs qui garnissaient cette croisée, et les jette sur Euphrasie, qui n’est que légèrement froissée de leur chute ; elle se relève, appelle à son secours ; mais qui ?… qui s’approche d’elle pour lui en donner ?… Hélas ! c’est cette pauvre Rose, devenue la femme du cocher de la maison. Elle accourt à sa malheureuse maîtresse : — Ô madame ! lui dit-elle en pleurant, en quel état ces monstres vous ont mise ! Ah ! si j’avais pu vous voir !… Je m’étais toujours douté qu’ils vous feraient périr… Ma chère dame, ma malheureuse maîtresse !… Et Rose l’entraîne ainsi vers une des plus prochaines maisons de la ville, où demeurait le nommé Desprad, dont les demoiselles se trouvaient en ce moment seules au logis.

En y arrivant, la marquise enfonça ses cheveux dans sa bouche, ce qui lui fit rejeter une grande partie du venin qu’elle avait avalé ; mais les demoiselles Desprad, dont la candeur, la bienfaisance et les vertus n’ont cessé de caractériser les bonnes et honnêtes citoyennes de Gange, prodiguèrent de nouveaux secours à la malheureuse marquise. Une d’elles se rappelant qu’elle a du contre-poison dans une boîte, elle en fait