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LA MARQUISE DE GANGE

dernier, enfoncé dans l’épaule, brise la lame, qui reste dans la blessure.

À ses cris, les demoiselles Desprad accourent, avec la femme du chirurgien, remplaçant son mari, qui ne s’est point trouvé. L’abbé qui la suit la détourne, et veut achever sa sœur, avec le pistolet qu’il a toujours à la main ; mais on l’empêche ; et, comme il voit la foule se grossir, il se sauve, entraînant son frère, et tous deux disparaissent, poursuivis par les serpents du crime et les déchirements du remords.

Alors, les secours se multiplient, on étanche le sang, on bande les plaies ; on a peine à ôter le fer resté dans l’épaule. — Arrachez, arrachez, en me pressant sous vos genoux, dit la courageuse marquise, il faut retirer et cacher ce fer, il ferait reconnaître de Gange : je vous défends de le nommer… Et voilà l’être céleste que ces scélérats détruisaient ! Le fer se retire à la fin ; on l’enfouit, et la marquise est rétablie dans son appartement.

Cette funeste journée fit bientôt le plus grand bruit. Madame de Gange, généralement aimée, reçut des visites de plus de dix lieues à la ronde. Alphonse est instruit, il reste tranquille ; pendant deux jours, il ne bouge pas d’Avig’non, et ne cesse de vaquer à ses occupations et à ses plaisirs ordinaires. Cette bizarre conduite le fit soupçonner, et elle devait produire cet efi’et. Il arrive à la fin ;