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LA MARQUISE DE GANGE

quent, méritait, comme nous venons de le dire, d’être reçu dans la meilleure compagnie. Il avait près de soixante ans, une de ces figures respectables, emblème certain de la sérénité de son âme : n’ayant jamais pensé ni dit du mal de personne, atténuant presque toujours les torts qu’on croyait trouver dans les autres, n’ayant de ses jours fait couler une larme, mais en ayant essuyé beaucoup, ami des plaisirs honnêtes, s’y prêtant avec amabilité, conciliant toutes les querelles, consolant tous les malheureux, n’ayant à lui que son cœur, qu’il appelait le patrimoine des pauvres ; nul enthousiasme, mais une foi pure ; aimant sa religion, parce qu’il la trouvait belle, détestant tous les abus qu’elle avait fait naître parmi des hommes qui, sans doute, la connaissaient bien peu, puisqu’ils la pratiquaient aussi mal, et n’attribuant qu’à leur aveuglement des désordres inséparables de l’humanité, mais toujours éloignés du Dieu saint, qui n’en voulait que les vertus.

On présume aisément qu’avec un tel caractère, Eusèbe devait être précieux à ses hôtes ; et voilà ce qui le rendait aussi sincèrement, et l’ami de tous les honnêtes gens, et le guide éclairé de la vertueuse Euphrasie.

De tels hommes sont rares dans le monde ; il faut les rechercher, les chérir quand on les rencontre, et surtout ne point calomnier la religion parce que tous ses ministres ne sont pas faits