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LA MARQUISE DE GANGE

tout à l’aîné, lui permettait pourtant, en raison de la noblesse du partage qu’avait fait son frère, d’aspirer à quelque mariage avantageux ; mais cet état, un des plus sages et des plus utiles à la société, convenait peu à un jeune homme aussi dépravé que Théodore. Et celui qui ne désire des femmes que pour les tromper, qui ne les aime que pour les avoir, qui ne les a que pour les trahir, et qui les méprise dès qu’elles cessent de lui plaire ; qui n’a rien de sacré quand il s’agit de les séduire, et qui n’y parvient que pour les déshonorer ; celui-là, dis-je, sentira-t-il le bonheur d’en prendre une vertueuse, une qui puisse fixer l’irrégularité de ses désirs, et mettre à la place de cette honteuse frivolité la douceur des liens qui captivent, quand ils sont tissés par l’hymen ? Cela est impossible sans doute, et dans cette certitude, nous admettrons que, sans jamais être heureux lui-même, l’abbé de Gange fera bien des malheureuses. Puisse au moins préserver d’un tel sort celle qui lui appartient d’aussi près dans cette maison ! désirons-le, mais ne nous en flattons pas, nous serions trop tôt désabusés.

Il y avait au château, depuis plusieurs années, un certain abbé Perret, que, par la confiance qu’il inspirait comme vicaire de la paroisse, le père du marquis de Gange avait établi pour soigner le château, et y demeurer en qualité de