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LA MARQUISE DE GANGE

concierge[1]. Cet homme, âgé d’environ quarante-cinq ans, ayant beaucoup vu le jeune Théodore autrefois[2], avait obtenu de lui les mêmes sentiments que lui avait accordés le feu comte ; à cette différence, cependant, que le vice était ici l’élément de cette liaison. Confident des désordres du jeune homme, l’abbé Perret, qui les servait, s’était acquis sur l’esprit de Théodore une sorte de droit qui ne rendait cette association que beaucoup plus dangereuse ; et comme en ce moment tous deux avaient envie de se parler, sur un signe de Théodore, dès qu’on est hors de table, Perret s’empare des bougies, pour éclairer son protecteur dans son appartement, et s’y enfermer avec lui.

— Mon ami, dit Théodore à son confident, dès qu’ils furent seuls, dis-moi si tu supposes qu’il puisse exister au monde une femme plus accomplie que celle de mon frère ? Le sort qui m’eût peut-être donné cette femme, si je me fus trouvé l’aîné, fait naître en moi bien des repentirs de n’avoir pas précédé Alphonse de quelques années dans le monde… Quelle différence de bonheur ! Au surplus, mon cher Perret, il n’est

  1. Il n’était pas rare en ces temps-là que les seigneurs confiassent le soin intérieur de leurs châteaux à des prêtres secondaires de la paroisse de leurs terres, lorsqu’ils leur reconnaissaient quelques talents.
  2. Il paraît qu’il avait été aussi précepteur du marquis de Gange.