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LA MARQUISE DE GANGE

et c’est en vous le développant que je vais répondre à votre seconde question.

« Le comte de Villefranche est un honnête homme. Depuis que nous sommes à Gange, il s’est aperçu comme moi des coupables distractions de votre époux. De ce moment, il a senti dans son cœur l’ardent désir de vous consoler ; il m’en a fait la confidence. Je ne vous dissimule pas qu’en approuvant son projet, je lui ai offert les moyens de lui être utile ; et voilà qui explique, et le service que je lui ai rendu hier à la promenade, et les ouvertures qu’il a pu vous faire. Villefranche est aimable, il est doux ; écoutez-le sans crainte : ce moyen est peut-être le seul qui puisse ramener votre mari. Son orgueil, piqué de ce qu’un autre peut le remplacer dans votre cœur, lui en fera regretter la perte… À combien de femmes ces moyens ont-ils réussi ! — À des coquettes, sans doute, mais non pas à des femmes honnêtes, monsieur, répondit la marquise : il m’en coûterait trop pour l’essayer, et je ne sais si je n’aimerais pas mieux perdre le cœur de mon époux que de le reconquérir par un crime. Comme il me mépriserait quand la vérité lui serait connue ! Non, je ne veux regagner les sentiments d’Alphonse que par ma douceur, ma patience et la continuité de mon attachement ; j’attendrai du temps ce que son injustice me refuse ; je lui déroberai jusqu’à mes larmes ; elles l’affli-