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LA MARQUISE DE GANGE

trouva-t-il seul avec elle dans ce moment ? Et d’où vient que de lui seul elle reçut des soulagements ? Avait-il part à cette crise ? et, dans cette hypothèse, serait-ce sans raison que je m’alarmerais ? — Assurément, ce serait sans aucune raison, répondit Théodore : Euphrasie t’aime trop, elle est trop vertueuse pour qu’aucun soupçon d’infidélité puisse jamais planer sur elle. As-tu quelque reproche à lui faire depuis que ton sort est lié au sien ? Et ne sais-tu pas qu’une femme constamment sage pendant des années ne se dément pas dans un seul jour ? Villefranche d’ailleurs est un honnête homme ; il est ton ami, le mien ; et ce n’est pas, invité par toi, dans ta maison, qu’il chercherait à en troubler la paix. — Mais cette rencontre, cet évanouissement de l’autre jour ? — Sont les choses du monde les plus simples. Il me semble que ta femme nous expliqua le même soir la cause de sa frayeur : un bruit qui se fait dans le taillis, un cerf qui traverse l’allée, voilà ce qui la fit tomber : j’étais avec elle, je puis certifier les faits. N’ayant pas sur moi les spiritueux qu’il lui fallait en ce moment, et croyant entendre du monde près de nous, je vole, je te rencontre, nous l’entraînons… Je ne sais pourquoi tu me fais répéter des détails que tu connais aussi bien que moi. — Je me les rappelle sans doute ; mais ce dont je me souviens également, c’est l’embarras de ma femme, lorsque