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embellit la vertu, et montre effrontément de l’autre à l’homme ignorant que l’on trompait, le vice au milieu des charmes et des jouissances qui l’entourent et le suivent sans cesse.

Tels sont les sentimens qui vont diriger nos travaux ; et c’est en raison de ces motifs, qu’unissant le langage le plus cinique aux systêmes les plus forts et les plus hardis, aux idées les plus immorales et les plus impies, nous allons, avec une courageuse audace, peindre le crime comme il est, c’est-à-dire, toujours triomphant et sublime, toujours content et fortuné, et la vertu comme on la voit également, toujours maussade et toujours triste, toujours pédante et toujours malheureuse.

Juliette et Justine, toutes deux filles d’un très riche banquier de Paris, furent élevées jusqu’à l’âge de quatorze et quinze ans dans l’une des plus célèbres abbayes de Paris. Là, aucuns conseils, aucuns livres, aucuns maîtres ne leur avoient été refusés, et la morale, la religion, les talens, semblaient, à l’envie l’un de l’autre, avoir formé ces jeunes personnes.

À cette époque fatale pour la vertu des deux jeunes filles, tout leur manqua dans un seul jour, une banqueroute affreuse précipita leur