Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/247

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menterait dans vos songes, elle ouvrirait de ses doigts sanglans les blessures dont vous l’auriez déchirée ; pas un moment fortuné dès-lors ne luirait pour vous sur la terre, tous vos plaisirs seraient souillés, toutes vos idées se troubleraient, une main céleste dont vous méconnaissez le pouvoir, vengerait les jours que vous auriez détruits, en empoisonnant tous les vôtres ; et sans avoir joui de vos forfaits, vous péririez du regret mortel d’avoir osé les accomplir.

Justine était en larmes, en prononçant ces derniers mots ; elle était à genoux aux pieds de cet homme féroce, qui l’écoutait avec un air mêlé de rage et de mépris ; elle le suppliait, par tout ce qu’il pouvait avoir de plus sacré, d’oublier un projet infâme qu’elle lui jurait de cacher toute sa vie ; mais elle ne connaissait pas le monstre auquel elle avait à faire ; elle ne savait pas, l’innocente créature, à quel point les passions étayent et fortifient le crime dans une ame telle que celle de Bressac ; elle ignorait que tout ce que la vertu, la sensibilité peut inspirer dans pareille circonstance, devient dans le cœur du scélérat, comme autant d’aiguillons dont les piqûres acérées déterminent l’horreur projetée avec