Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/253

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tu ne comprendras jamais, Justine, qu’on ne doit rien au bienfaiteur, puisqu’il s’est satisfait en obligeant, et pourquoi donc faut-il que je récompense un individu quelconque du plaisir qu’il lui a plu de se faire à lui-même ? et je différerais mes desseins pour rendre graces à madame de Bressac ? et j’attendrais le reste de ma fortune pour remercier madame de Bressac du grand service qu’elle m’a rendu ?… Oh ! Justine, que tu me connais mal ; faut-il t’en dire plus… cette nouvelle mort est mon ouvrage ; j’essayais sur le frère le poison dont je veux trancher les jours de la sœur… Ose à présent exiger des délais… eh, non, non, Justine, hâtons-nous, loin de différer… demain, après-demain au plus tard… il me tarde déjà de te compter un quartier de tes rentes… de te mettre en possession de l’acte qui te les assure. Justine frémit, mais cacha son trouble, et vit qu’avec un tel homme il était sage de reprendre ses résolutions de la veille. Il lui restait la voie de la dénonciation ; mais rien au monde n’aurait déterminé la sensible Justine à des moyens qui n’empêchent une première horreur qu’en en commettant une seconde ; elle se détermina donc à prévenir sa maîtresse ; de tous les partis possibles, celui-là lui parut le meilleur ; elle s’y livra.