Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/36

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l’a fait ; je veux que le diable m’emporte si à sa place je t’avais laissé sortir de chez moi sans m’avoir contenté. Mais puisque tu ne veux pas profiter des secours que ma bienfaisance t’offrait, arranges-toi comme il te plaira : tu me dois ; de l’argent tout-à-l’heure, ou demain la prison. — Madame, ayez pitié, — Oui, oui, pitié, on meurt de faim avec de la pitié ; il te convient bien de faire la difficile ; sur cinq cens petites filles comme toi que j’ai procuré à cet honnête homme depuis que je le connais, tu es la première qui m’ait joué un pareil tour… quel déshonneur pour moi ! Cet homme si honnête dira que je ne sais pas mon métier, et il aura raison. Allons, allons, mademoiselle, il faut retourner chez Dubourg, il faut le satisfaire, il faut me rapporter de l’argent… je le verrai, je le préviendrai, je raccommoderai, si je puis, vos sottises, je lui ferai vos excuses ; mais songez à vous mieux conduire.

Justine, seule, se plongea dans les réflexions les plus tristes… Non, se disait-elle en pleurant, non, je ne retournerai certainement pas chez ce libertin ; je ne suis pas encore dénuée de ressources, mon argent me reste presqu’en entier, il me suffit pour vivre encore