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n’avait besoin de rien, ait pu lui donner l’existence : pour assouplir le plus faible, sa force seule lui devenait nécessaire ; mais nullement ce fil, qui dès-lors n’est que l’ouvrage du faible… n’est plus fondé que sur un raisonnement aussi futile que le serait celui de l’agneau au loup : vous ne devez pas me manger, car j’ai quatre pieds comme vous.

Le faible, en établissant l’existence du fil de fraternité, avait des raisons d’égoïsme trop reconnues pour que le pacte établi par ce lien pût avoir rien de respectable ; d’ailleurs, un pacte quelconque n’acquiert de forces qu’autant qu’il a la sanction des deux partis ; or, celui-ci pût être proposé par le faible ; mais il est bien certain que le fort ne dût jamais y consentir : à quoi lui eût-il servi ? Quand on donne, c’est pour recevoir ; telle est la loi de la nature : or, en donnant de l’assistance au faible, en se dépouillant d’une portion de sa force pour l’en revêtir, qu’y gagnait le fort ? Et comment supposer comme réelle entre les hommes, l’existence d’un pacte que l’un des deux partis avait essentiellement le plus grand intérêt à ne pas consentir ; car enfin, le fort, en l’acceptant, se privait et