Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 5, 1797.djvu/334

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je les arracherai si je puis, sans rien rendre ; car encore une fois, ce prochain ne m’est rien, il n’y a pas le plus petit rapport entre lui et moi, et si j’en établis, c’est dans la vue d’avoir de lui, par adresse, ce que je ne puis avoir par la force ; mais si je puis réussir par la violence, je n’userai d’aucun autre artifice, parce que les rapports sont nuls, et que ne devant plus m’en rien revenir, je n’ai plus besoin de les employer.

O Juliette ! sache donc fermer ton cœur aux accens fallacieux de l’infortune. Si le pain que ce malheureux mange est arrosé de ses larmes, si le travail pénible d’une journée suffit à peine pour lui donner le moyen de rapporter le soir à sa triste famille le faible soutien de ses jours ; si les droits qu’il est obligé de payer viennent absorber encore la meilleure partie de ses frêles épargnes ; si ses enfans nuds et sans éducation vont disputer au fond des forêts le plus vil aliment à la bête sauvage ; si le sein même de sa compagne, desséché par le besoin, ne peut fournir à son nourrisson, cette première partie de subsistance capable de lui donner la force d’aller, pour se procurer l’autre, partager celle des loups ; si, accablé