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que les mouvemens éprouvés par les corps se font sentir à cette ame prétendue, et que ces deux substances diverses par leur essence agissent toujours de concert ; vous, nous direz encore que cette harmonie est un mystère, et moi je vous répondrai que je ne vois pas mon ame, que je ne connais et ne sens que mon corps ; que c’est le corps qui sent, qui pense, qui juge, qui souffre, qui jouit, et que toutes ses facultés sont des résultats nécessaires de son mécanisme et de son organisation.

Quoique les hommes soient dans l’impossibilité de se faire la moindre idée de leur ame, quoique tout leur prouve qu’ils ne sentent, ne pensent, n’acquièrent des idées, ne jouissent et ne souffrent que par le moyen des sens ou des organes matériels du corps, ils se persuadent pourtant que cette ame inconnue est exempte de mort ; mais en supposant même l’existence de cette ame, dites-moi, je vous prie, si l’on peut s’empêcher de reconnaître qu’elle dépend totalement du corps, et qu’elle subit conjointement avec lui toutes les vicissitudes qu’il éprouve lui-même ? et cependant on porte l’absurdité jusqu’à croire qu’elle