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C’était avec raison que Noirceuil m’avait fait les plus grands éloges de madame de Clairwil. Elle était grande, faite à peindre ; le feu de ses regards était tel, qu’il devenait impossible de la fixer ; mais ses yeux, grands et très-noirs, en imposaient plus qu’ils ne plaisaient, et en général, l’ensemble de cette femme était plus majestueux qu’agréable ; sa bouche, un peu ronde, était fraîche et voluptueuse, ses cheveux, noirs comme du jai, descendaient au-bas de ses cuisses ; son nez singulièrement bien coupé, son front noble et majestueux, sa gorge moulée, la plus belle peau, quoique brune, les chairs fermes, potelées ; les formes les mieux arrondies ; c’était, en un mot, la taille de Minerve, sous les agrémens de Vénus. Cependant, soit que je fusse plus jeune, soit que ma physionomie eut en grace, ce que celle-ci avait en noblesse, je plaisais davantage à tous les hommes : madame de Clairwil surprenait ; je me contentais d’enchaîner : elle contraignait l’hommage des hommes, et moi je le dérobais.

À ces graces impérieuses, madame de Clairwil joignait un esprit très-élevé ; elle était fort instruite ; singulièrement ennemie