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des préjugés… déracinés par elle dès l’enfance, il était difficile à une femme de porter la philosophie plus loin ; d’ailleurs beaucoup de talens, sachant parfaitement l’anglais et l’italien, jouant la comédie comme un ange, dansant comme Terpsicore, chimiste, physicienne, faisant de jolis vers, possédant bien l’histoire, le dessin, la musique, la géographie, écrivant comme Sévigné, mais poussant peut-être un peu trop loin toutes les extravagances du bel-esprit, dont les suites étaient communément un orgueil insupportable avec ceux qu’elle n’élevait pas à sa hauteur, comme moi… la seule créature, disait-elle, en qui elle, eut véritablement reconnu de l’esprit.

Il y avait cinq ans que cette belle femme était veuve, jamais elle n’avait eu d’enfans… elle les détestait ; sorte de petite dureté, qui dans une femme, prouve toujours l’insensibilité ; aussi pouvait-on assurer que celle de madame de Clairwil était à son comble. Elle se flattait de n’avoir jamais versé une larme, de ne s’être jamais attendri sur le sort des malheureux : mon ame est impassible, disait-elle ; je défie aucun sentiment de l’atteindre, excepté celui du plaisir.