Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/133

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que vos calculs seront faits, vous approuvez, comme je ne puis m’empêcher de le croire, l’extinction de toute sensibilité dans un élève, la première branche de l’arbre à élaguer alors, est nécessairement la pitié. Et qu’est-ce en effet que la pitié ? un sentiment purement égoïste qui nous porte à plaindre, dans les autres, le mal que nous craignons pour nous. Donnez-moi un être, dans le monde, qui, par sa nature, puisse être exempt de tous les maux de l’humanité, non-seulement cet être n’aura aucune espèce de pitié, mais il ne la concevra même pas ; une preuve plus grande encore que la pitié n’est qu’une commotion purement passive, imprimée sur le genre nerval, en raison ou en proportion du malheur arrivé à notre semblable, c’est que nous serons toujours plus sensibles à ce malheur s’il est arrivé sous nos yeux, n’intéressa-t-il qu’un inconnu, que celui que pourrait avoir éprouvé à cent lieues de nous le meilleur de nos amis ; et pourquoi cette différence ? s’il n’était prouvé que ce sentiment n’est que le résultat physique de la commotion de l’accident sur nos nerfs ; or, je demande si un tel sentiment peut avoir, par lui-même, quelque chose