Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/165

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Les échanges se multiplient, et dans une seule soirée, comme tu vois, une femme jouit de cent hommes, un homme de cent femmes ; là, les caractères se développent ; on s’est étudié, on se connaît ; la plus entière liberté des goûts s’y professe ; l’homme qui méprise les femmes, ne jouit que de ses semblables ; la femme qui n’aime que son sexe se livre également à ses fantaisies ; nulle contrainte, aucune pudeur… le seul désir d’étendre ses jouissances est de mettre en commun toutes ses richesses. De ce moment l’intérêt général soutient le pacte, et l’intérêt particulier, se trouve lié à l’intérêt général, ce qui rend indissoluble les nœuds de la société : depuis quinze ans que la nôtre dure, je n’y ai pas vu une seule tracasserie, pas un seul mouvement d’humeur. De tels arrangements détruisent la jalousie, absorbent à jamais la crainte du cocuage, deux poisons cruels de la vie, et doivent par cela seul mériter la préférence sur ces sociétés monotones, où deux époux languissans toute leur vie en face l’un de l’autre, sont voués ou à l’ennui perpétuel de se déplaire, ou au désespoir de ne réussir à dissoudre leurs liens qu’en se déshonorant tous deux. Puissent nos