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nature, et ton égarement sera tel, qu’à peine tes facultés physiques auront assez de rigueur pour en soutenir l’excès ; ne t’attends pas, néanmoins, à être aussi heureuse en commençant que tu peux la devenir un jour ; des préjugés, quoique tu puisses faire, viendront te troubler encore, en raison de l’épaisseur des freins que tu auras rompu. Fatals effets de l’éducation, auxquels une profonde réflexion, une persévérance soutenue, et sur-tout des habitudes enracinées, peuvent seules remédier ! Mais peu-à-peu ton esprit se fortifiera ; l’habitude, cette seconde nature, qui devient souvent plus puissante que la première, qui parvient à anéantir ceux mêmes des principes naturels qui paraissent les plus sacrés, cette habitude essentielle au vice, que je ne cesse de recommander, et de laquelle tout dépend pour ton bonheur dans la carrière que tu adoptes ; cette habitude, dis-je, émoussera le remords, fera taire la conscience, se jouera de la voix du cœur, et tu verras alors comme tous les objets te paraîtront différens ; surprise toi-même de la fragilité des liens qui t’avaient contenue, tu regretteras les jours où sottement enchaînée