Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soin, ayant toujours un garde à notre porte.

À peine fus-je seule avec Clairwil, que je lui fis part de ce que j’avais ajouté au billet ; cela ne suffit pas à me tranquilliser, me dit-elle : s’il arrive en force ici, nous sommes égorgées au moment où ces gens-ci verront arriver cette force, j’aimerais mieux travailler à séduire notre garde. Cela est impossible, répondis-je, ce ne sont point ici des coquins soudoyés ; tous liés par le sentiment de l’honneur, attendu qu’ils le sont par le sang, tu comprends bien que rien au monde ne les fera renoncer au fatal projet d’une vengeance. Ah ! Clairwil, il faut que je ne sois pas encore assez ferme dans nos principes, car je crains bien qu’une fatalité quelconque à laquelle tu donneras le nom que tu voudras, ne fasse à la fin triompher la vertu. — Jamais ! jamais ! le triomphe appartient toujours à la force, et rien n’en possède autant que le crime ; je ne te pardonne pas cette faiblesse. — C’est que voilà le premier revers que j’éprouve. — C’est le second, Juliette ; rappelle-toi mieux les circonstances de ta vie, et souviens-toi que la fortune ne te couvrit de ses faveurs, qu’au sortir d’une prison qui devait te conduire à