Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

afin de servir encore mieux l’avarice dont j’étais dévorée, je représentai au ministre que les devoirs qu’il m’imposait étaient pour le moins aussi onéreux qu’étaient considérables les sommes dont il m’accordait la disposition ; qu’avec l’envie de le bien servir, je ne ménagerais rien, et que je voyais qu’il serait fort possible que les dépenses énormes que j’allais être obligées de faire excédassent de beaucoup les recettes, qu’au surplus… Non, voilà comme je veux qu’on me parle, me dit le ministre, vous m’avez montré de l’intérêt, Juliette, c’est ce que je veux, je suis sûr d’être bien servi, maintenant ; n’épargnez rien, madame, et vous recevrez dix millions par an : aucuns de ces supplémens ne m’effrayent, je sais où les prendre tous, sans toucher à mes revenus. Il serait bien fou l’homme d’état qui ne ferait pas payer ses plaisirs à l’état ; et que nous importe la misère des peuples, pourvu que nos passions soient satisfaites ? Si je croyais que l’or pût couler de leurs veines, je les ferais saigner tous les uns après les autres, pour me gorger de leur substance[1].

  1. Les voilà, les voilà, ces monstres de