Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le parricide est-il un crime ou non ?

Assurément. S’il est au monde une action que je croie légitime, c’est celle-là ; et quel rapport, je vous prie, peut-il exister entre celui qui m’a mis au monde et moi ? Comment voulez-vous que je me croie lié par quelque sorte de reconnaissance envers un homme, parce qu’il lui a pris fantaisie de décharger dans le con de ma mère ; rien n’est risible comme cet imbécille préjugé ; mais si je ne le connaissais pas ce père, s’il m’avait mis au monde, sans que je m’en doutasse, la voix de la nature me l’indiquerait-elle ? Ne serais-je pas aussi froid avec lui qu’avec les autres hommes ? Si ce fait est sûr, et je crois que l’on n’en peut douter, le parricide n’ajoute rien au mal supposé à l’homicide ; si je tuais l’homme qui m’aurait donné le jour sans le connaître, je n’aurais sûrement aucun remords de l’avoir tué comme père ; ce n’est donc que parce qu’on me dit qu’il m’appartient, que je m’arrête, ou que je me repens ; or, je vous prie de me dire de quel poids l’opinion peut être pour aggraver un crime ? et s’il est possible qu’elle en change la nature ? Quoi ! je puis tuer sans remords mon père, si je ne le