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fidelle ; c’est donc bien plutôt son inconstance que sa perte, qui nous afflige, et c’est donc nous seuls que nous considérons dans cet évènement. D’où je conclus, qu’après l’impardonnable extravagance d’être amoureux d’une femme, la plus grande sans doute qu’on puisse faire, est d’en être jaloux. Ce sentiment est malhonnête pour elle, puisqu’il lui prouve qu’on ne l’estime pas ; il est affligeant pour soi, et toujours inutile, puisque c’est un moyen sûr de donner à une femme l’envie de nous manquer, que de lui laisser appercevoir la crainte que nous avons que cela ne lui arrive. La jalousie et la frayeur du cocuage sont deux choses qui tiennent absolument à nos préjugés, sur la jouissance des femmes ; sans cette maudite coutume de vouloir imbécillement sur cet objet, lier sans cesse le moral au physique, nous nous débarasserions aisément de ces préjugés. Eh quoi ! il n’est pas possible de coucher avec une femme sans l’aimer, et il n’est pas possible de l’aimer sans coucher avec elle ? Mais quelle nécessité y a-t-il donc, que le cœur soit de la partie où le corps seul agit ? Ce sont deux désirs… ce sont deux besoins très-