Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 8, 1797.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous… vendons-nous… livrons-nous… soyons putains dans toutes les parties de notre corps… Ah ! foutre, mon ange, je perds la tête ; semblable au coursier fougueux, je m’enfonce moi-même sous le dard qui me perce ; je vole à ma perte, je le sens, elle est infaillible… et je la brave. Je suis presque fâchée du crédit et des titres qui favorisent mes égaremens ; je voudrais qu’ils fussent sus de toute la terre ; je voudrais qu’ils pussent m’entraîner, comme la dernière des créatures, au sort où les conduit leur abandon… T’imagines-tu donc que je craindrais ce sort… Non, non, quel qu’il puisse être, j’y volerais sans peur… L’échafaud même serait pour moi le thrône des voluptés ; j’y braverais la mort, et déchargerais en jouissant du plaisir d’expirer victime de mes forfaits, et d’en effrayer un jour l’univers. Voilà où j’en suis, Juliette, voilà où le libertinage m’a conduite, voilà où je veux vivre et mourir ; j’en fais le serment dans tes mains ; je t’aime assez pour te l’avouer… Faut-il t’en dire plus ; je sens que je suis à la veille de me jeter dans une débauche épouvantable ; tous les préjugés se dissipent à mes yeux, tous les freins se bri-