Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/20

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avec autant de luxe et de magnificence. Revenons maintenant sur nos pas et peignons de notre mieux au lecteur chacun de ces quatre personnages en particulier, non en beau, non de manière à séduire ou à captiver, mais avec le pinceau même de la nature qui malgré tout son désordre est souvent bien sublime même alors qu’elle se déprave le plus. Car osons le dire en passant, si le crime n’a pas ce genre de délicatesse qu’on trouve dans la vertu n’est-il pas toujours plus sublime, n’a-t-il pas sans cesse un caractère de grandeur et de sublimité qui l’emporte et l’emportera toujours sur les attraits monotones et efféminés de la vertu ? Parlerez-vous de l’utilité de l’un ou de l’autre ? Est-ce à nom de scruter les lois de la nature, est-ce à nom de décider si le vice lui était aussi nécessaire que la vertu ? Elle ne nous inspire pas peut-être en raison égale du penchant à l’un ou à l’autre en raison de ses besoins respectifs. Mais poursuivons. —

Le duc de Blangis maître à 18 ans d’une fortune déjà immense et qu’il a beaucoup accru par des maltôtes depuis, éprouva tous les inconvénients qui naissent en foule autour d’un jeune homme riche, en crédit, et qui n’a rien à se refuser presque toujours dans un tel cas ; la mesure des forces devient celle des vices et on se refuse d’autant moins qu’on a plus de facilités à se prouver tout. Si le duc eût reçu de la nature quelques qualités primitives, peut-être eussent-elles balancé les dangers de sa position ; mais cette mère bizarre qui paraît quelquefois s’entendre avec la fortune, pour que celle-ci favorise dans les vices qu’elle donne à de certains êtres dont elle attend des soins très différents de ceux que la vertu suppose,