Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/284

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succession, je veux au moins leur frustrer cent mille francs que j’ai encore dans ce petit coffre, tiens, mon enfant,“ dit-elle, „le voilà, je te les remets en exigeant de toi, que tu en fasses la disposition que je te vais prescrire.“ — „Oh, ma chère mère,“ lui dis-je, en lui tendant les bras, „ces précautions me désolent, elles seront sûrement inutiles, mais si malheureusement elles devenaient nécessaires, je vous fais serment de mon exactitude à remplir vos intentions.“ — „Je le crois, mon enfant,“ me dit-elle, „et voilà pourquoi j’ai jeté les yeux sur toi, ce petit coffre contient cent mille francs en or, j’ai quelques scrupules, ma chère amie, quelques remords de la vie que j’ai menée, de la quantité des filles que j’ai jetées dans le crime et que j’ai arrachées à Dieu, je veux donc employer deux moyens pour me rendre la divinité moins sévère ; celui de l’aumône et de la prière, les deux premières portions de cette somme, que tu composeras de quinze mille francs chacune, l’une pour être remise aux capucins de la rue St. Honoré, afin que ces bons pères disent à perpétuité une messe pour le salut de mon âme, l’autre part de ma somme, tu la remettras, dès que j’aurai fermé les yeux, au curé de la paroisse afin qu’il la distribue en aumône pour les pauvres du quartier. C’est une excellente chose que l’aumône, mon enfant, rien ne répare comme elle aux yeux de Dieu les péchés que nous avons commis sur la terre, les pauvres sont ses enfants, et il chérit tous ceux qui les soulagent, on ne lui plaît jamais autant que par des aumônes, c’est la véritable façon de gagner le ciel, mon enfant. À l’égard de la troisième part tu le formeras de 60 mille livres que tu remettras tout