Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/287

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ait des malheureux dans le monde, que la nature le veut, qu’elle l’exige et que c’est aller contre ses lois, en prétendant remettre l’équilibre, si elle a voulu de désordre.“166) — „Comment donc, Duclos,“ dit Durcet, „mais tu as des principes, je suis bien aise de t’en voir sur cela, tout soulagement fait à l’infortuné, est un crime réel contre l’ordre de la nature, l’inégalité qu’elle a mis dans nos individues prouve, que cette discordance lui plaît, puisqu’elle l’établit et qu’elle la veut dans les fortunes comme dans le corps, et comme il est permis aux faibles de la réparer par le vol, il est également permis au fort de la rétablir par le refus de son secours. L’univers ne subsisterait pas un instant, si la ressemblance était exécutée dans tous les êtres, c’est de cette dissemblance que naît l’ordre qui conserve et qui conduit tout, il faut donc bien se garder de la troubler, d’ailleurs en croyant faire un bien à cette malheureuse classe d’homme, je fais beaucoup de mal à une autre ; car l’infortuné est la pépinière, où le riche va chercher les objets de ses luxures ou de sa cruauté, je le prive de cette branche de plaisir en empêchant par mes secours cette classe de se livrer à lui, je n’ai donc par mes aumônes obligé que faiblement une partie de la race humaine, et prodigieusement nui à l’autre. Je regarde donc l’aumône non seulement comme une chose mauvaise en elle-même, mais je la considère encore comme un crime réel envers la nature, qui en nous indiquant des différences n’a nullement prétendu que nous les troublions ainsi, bien loin d’aider les pauvres, de consoler les veuves et de soulager les orphelins, si j’agis d’après les véritables intentions de la nature non seulement je les