Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas jusque là. Je ne m’aviserai pas de peindre ces beautés, elles étaient toutes si également supérieures que mes pinceaux deviendraient nécessairement monotones, je me contenterai de les nommer et d’affirmer avec vérité qu’il est parfaitement impossible de se représenter un tel assemblage de grâces, d’attraits et de perfections, et que si la nature voulait donner à l’homme une idée de ce qu’elle peut former de plus savant, elle ne lui présenterait pas d’autres modèles. La première se nommait Augustine, elle avait 15 ans ; elle était fille d’un baron de Languedoc et avait été enlevée dans un couvent de Montpellier. La seconde se nommait Fanni, elle était fille d’un conseiller au parlement de Bretagne et enlevée dans le château même de son père. La troisième se nommait Zelmire, elle avait 15 ans, elle était fille du comte de Terville qui l’idolâtrait, il l’avait menée avec lui42) à la chasse dans une de ses terres en Beauce, et l’ayant laissée seule un instant dans la forest, elle y fut enlevée sur le champ ; elle était fille unique et devait avec quatre cent mille francs de dot épouser l’année d’après un très grand seigneur. Ce fut elle qui pleura et se désola le plus de l’horreur de son sort.

La quatrième se nommait Sophie, elle avait 14 ans et était fille d’un gentilhomme assez à son aise et vivant dans ses terres en Berri, elle avait été enlevée à la promenade à côté de sa mère, qui voulant la défendre fut précipitée dans une rivière, où sa fille la vit expirer sous ses yeux. La cinquième se nommait Colombe, elle était de Paris et fille d’un conseiller, au parlement, elle avait 13 ans et avait été enlevée en revenant avec une gouvernante le soir dans son