Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 1, 1799.djvu/122

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remplie d’un projet important, eh bien ! il me reste un moyen de vous sauver, et je cours le mettre en usage. — Qu’il ne soit sur-tout jamais aux dépends de ce que tu dois à Dieu… à toi-même… à Raunai… Songe que je ne voudrais pas ajouter vingt ans de plus à ma carrière, si ce long terme pouvait coûter un seul soupir à ton bonheur où à tes vertus.

Juliette sort, et va trouver Raunai.

O ! mon ami, lui dit-elle, voici l’instant de me prouver les sentimens que tu m’as juré dès l’enfance… M’aime-tu, Raunai ? te sens-tu capable du plus grand effort de l’humanité pour me prouver ta flamme ? — Ah ! peut-tu croire qu’il puisse exister quelque chose au monde que je ne sois prêt à exécuter pour toi ? — Oui, mon ami, j’en peux douter… Tu trembleras quand je t’aurai tout dit ; et néanmoins, il faudra m’obéir, ou me laisser dans l’affreuse idée que tu n’as jamais aimé ta maîtresse. — Que veux-tu dire, Juliette ? tes discours… l’agitation dans laquelle tu es… tes yeux, où je ne vois plus que du désespoir au-lieu d’amour…