Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 1, 1799.djvu/160

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repos et le bonheur de sa vie, il se résolut de mettre en usage à-la-fois et tout ce qui pouvait séduire et tout ce qui, sa victoire assurée, pouvait, en détruisant l’illusion à laquelle il la devait peut-être, le convaincre de ce qui réellement lui avait valu sa conquête. Cette sorte de manœuvre était sûre pour le conduire à une appréciation raisonnable ; mais que de dangers l’entouraient ; y avait-il une femme au monde qui pût résister à l’épreuve ? et si l’ivresse des sens où Ceilcour voulait la plonger d’abord, parvenait à la lui livrer, résisterait-elle à la chûte du prestige, aimerait-elle enfin Ceilcour pour lui-même, ou n’aimerait-elle en lui que son art ? La ruse était bien dangereuse ; plus il le sentait, plus il était déterminé à s’abandonner sans retour à celle dont le désintéressement serait assez reconnu pour n’aimer de lui que lui-même et pour mettre au néant le faste dont il allait s’entourer dans le dessein de la séduire.

Deux femmes fixaient alors ses regards, et ce fut à elles qu’il s’arrêta, dé-