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suis libertin, impie, je suis capable de toutes les débauches de l’esprit, mais mon cœur me reste, il est pur, et c’est avec lui, mes amis, que je me console de tous les travers de mon âge.

Dolmancé.

Oui, chevalier, vous êtes jeune, vous le prouvez par vos discours, l’expérience vous manque, je vous attends ; quand elle vous aura mûri, alors, mon cher, vous ne parlerez plus si bien des hommes, parce que vous les aurez connus ; ce fut leur ingratitude qui sécha mon cœur, leur perfidie qui détruisit dans moi ces vertus funestes pour lesquelles j’étois peut-être né comme vous ; or, si les vices des uns rendent dans les autres ces vertus dangereuses, n’est-ce donc pas un service à rendre à la jeunesse, que de les étouffer de bonne heure en elle ? que ne parles-tu de remords, mon ami, peuvent-ils exister dans l’ame de celui qui ne connoît de crime à rien ? que vos principes les étouffent ; si vous en craignez l’aiguillon, vous sera-t-il possible de vous repentir d’une action de l’indifférence de laquelle vous serez profondément pénétré ? Dès que vous ne croirez plus de mal à rien, de quel mal pourrez-vous vous repentir ?