Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/105

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Qui font leur effet dans l’eau,
Et jettoient tout droil en l’ame
À longues pointes de dame,
La froide horreur du tombeau.

Tout ainsi qu’une baleine,
Il avoit dessus les yeux
Deux tuyaux qui pour baleine
Soufflaient de l’eau jusqu’aux cieux
Sa gueulle de crocodile
Estoit un gouffre mobile ;
La mer s’abismoit dedans,
Et souvent sa langue noire
Se dardoit entre l’ivoire
Du triple rang de ses dents.

De mainte coquille dure
Qui sur le dos luy croissoit,
Comme d’une espaisse armure
Sa peau s’enorgueillissoit ;
Une espouventable queue
Moitié jaune et moitié bleue
Luy tournoyoit sur le corps,
Et par fois, en frappant l’onde,
Sembloit menacer le monde
De ses merveilleux efforts.

Ses pieds, qui du vieux Nerée
Sillonnoient les vastes champs,
Dans cette plaine azurée
Fichoient des ongles trenchants,
À le voir sur l’eau s’estendre,
Sa grandeur l’auroit fait prendre
Pour un vaisseau renversé,
Ou pour quelque isle flotante,
Ainsi que ta Grèce chante
Qu’elle en vit au temps passé.