Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que l’art fera briller en ce rare portrait.

Et quand mesme ce dieu qui preside à la guerre,
S’eslevant contre toy, voudrait descendre en terre,
Que ton bras le contraigne à dire que Cypris
N’eut jamais tant d’appas que celle qui t’a pris.

Mais à quoy ces conseils te sont-ils necessaires !
Tu ne peux en cela rencontrer d’adversaires,
Puis que tous les amans disent de leur bon gré
Qu’elle tient des beautez le supresme degré.
Elle le tient vrayement, et jamais la nature
N’employa tant de soins à l’humaine structure.
Les elemens grossiers, concertans leurs accords,
N’ont rien contribué pour faire un si beau corps ;
Elle est comme le ciel, d’où sa forme est venue,
D’une matiere pure à nos sens inconnue :
Encor, le surpassant, elle a double soleil,
Comme elle a double aurore en son beau teint vermeil.
On la doit croire Lune en sa blancheur extresme,
Puis que sa chasteté la rend Diane mesme ;
Enfin rien icy bas ne la peut egaler,
Et la voix d’un mortel ne sçait comme en parler.

La rose devient pasle approchant de sa joue,
Si bien que l’on dirait qu’en soy-mesme elle advoue
Qu’elle a commis un crime en la temerité
De s’estre comparée avec cette beauté.

Le lis tremble et rougit dès que sa main le touche,
Et par cette action, qui luy tient lieu de bouche,
Plein de crainte et de honte, il semble declarer
Qu’il est vaincu par elle, et qu’il faut l’adorer ;
Alors il s’humilie en abaissant la teste,
Tout ainsi qu’il demeure après quelque tempeste ;
Et, lui sacrifiant sa plus vive frescheur,
Il rend tout aussi-tost hommage à sa blancheur.
Ma muse de bon sens n’est pas si depourveue
Qu’elle s’aille ingerer de depeindre sa veue.