Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/596

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mable condescendance du fils ou du suprême honneur de la mère. Des deux côtés, même motif de vous étonner, même merveille à admirer ; d’un côté, qu’un Dieu soit soumis à une femme, c’est un exemple d’humilité sans précédent, et de l’autre, qu’une femme commande à un Dieu, c’est un honneur que nulle autre ne partage avec elle. Quand on chante les louanges des vierges, on dit qu’elles suivent l’Agneau partout où il va (Apoc., xiv, 4). Quelle n’est donc pas la gloire de celle qui même le précède ?

L’exemple de Jésus-Christ est bien fait pour confondre l’orgueil. 8. Ô homme, apprends à obéir, terre et poussière apprends à plier et à te soumettre. En parlant de ton Créateur, l’Évangéliste dit : « Et il leur était soumis, » c’est-à-dire à Marie et à Joseph. Rougis donc, ô cendre orgueilleuse ! Un Dieu s’abaisse et toi tu t’élèves ! Un Dieu se soumet aux hommes, et toi, non content de dominer tes semblables, tu vas jusqu’à te préférer à ton Créateur ? Ah ! pussé-je, si jamais je suis dans ces dispositions, avoir la grâce que Dieu lui-même me dise comme il le fit un jour, mais sur le ton du reproche, à son L’ambitieux ne goûte pour les choses de Dieu. Apôtre : « Retirez-vous de moi, Satan, car vous ne goûtez point les choses de Dieu (Matth., xvi, 23). » En effet, toutes les fois que j’ambitionne de commander aux hommes, je veux m’élever au dessus de Dieu même, et il est vrai de dire alors que je ne goûte point les choses de Dieu, car c’est de lui qu’il est dit : Et il leur était soumis. » Ô homme, si tu ne trouves pas qu’il soit digne de toi de prendre modèle sur un de tes semblables, certainement il l’est de marcher du moins sur les pas de ton Créateur. Si tu ne peux le suivre partout où il va, daigne au moins le suivre partout où il condescend à ta bassesse. C’est-à-dire si tu ne peux t’engager dans les sentiers élevés de la virginité, suis au moins La voie de l'humilité est ouverte à ceux qui ne peuvent s’engager dans les sentiers de la virginité. Dieu dans les voies parfaitement sûres de l’humilité, dont les vierges mêmes ne peuvent s’écarter, à vrai dire, et continue de suivre l’Agneau partout où il va. Sans doute, celui qui a perdu son innocence, s’il est humble ; l’orgueilleux, s’il a conservé sa pureté, suivent l’Agneau ; mais ils ne le suivent point partout où il va. En effet, le premier ne peut s’élever à la pureté de l’Agneau sans tache, et le second ne saurait descendre à la douceur de Celui qui a gardé le silence, non-seulement devant celui qui le dépouillait de sa toison, mais même sous la main de celui qui le mettait à mort. Toutefois, le pécheur a pris, pour marcher sur ses pas, en suivant les sentiers de l’humilité, un chemin plus sûr que l’homme qui, dans sa virginité, suit les voies de l’orgueil, car l’humilité de l’un le purifiera de ses souillures, tandis que l’orgueil de l’autre ne peut manquer de souiller sa pureté.

Tout est beau et admirable dans la sainte Vierge. 9. Mais heureuse est Marie, à qui ni l’humilité ni la virginité n’ont fait défaut. Et quelle virginité que celle que la fécondité a rendue plus éclatante au lieu de la flétrir. De même quelle incomparable fécondité que celle que la virginité et l’humilité accompagnent. Y a-t-il là quelque chose qui ne soit point admirable ?[1] Qui ne soit point incomparable ? Qui ne soit point unique ? Je serais bien surpris si vous n’étiez embarrassé pour décider en y réfléchissant lequel des deux est le plus étonnant

  1. À partir de ces mots, la fin de cette homélie et le commencement de la suivante jusqu’à ces mots : His nimirum, n. 2, manquent dans la plupart des manuscrits, où les deux premières homélies se trouvent réunies en une seule, en sorte qu’on ne compte dans ces manuscrits que trois homélies sur le Missus est.