Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ni même à celui généralement si goûté de la fauconnerie ; ils détestent et fuient les bateleurs, les magiciens et les conteurs de fables, ainsi que les chansons bouffonnes et les spectacles, qu’ils regardent comme autant de vanités et d’objets pleins d’extravagance et de tromperie. Ils se coupent les cheveux , car ils trouvent avec l’Apôtre que c’est une honte pour un homme de soigner sa chevelure. Négligés dans leur personne et se baignant rarement, on les voit avec une barbe inculte et hérissée et des membres couverts de poussière, noircis par le frottement de la cuirasse et brûlés par les rayons du soleil.

8. Mais à l’approche du combat, ils s’arment de foi au-dedans et de fer, au lieu d’or, au-dehors, afin d’inspirer à l’ennemi plus de crainte que d’avides espérances. Ce qu’ils recherchent dans leurs chevaux, c’est la force et la rapidité, non point la beauté de la robe ou la richesse des harnais, car ils ne songent qu’à vaincre, non à briller, à frapper l’ennemi de terreur, non point d’admiration. Point de turbulence, point d’entraînement inconsidéré, rien de cette ardeur qui sent la précipitation de la légèreté. Quand ils se rangent en bataille, c’est avec toute la prudence et toute la circonspection possibles qu’ils s’avancent au combat tels qu’on représente les anciens. Ce sont de vrais Israélites qui vont livrer bataille ; mais en portant la paix au fond de l’âme. A peine le signal d’en venir aux mains est-il donné qu’oubliant tout à coup leur douceur naturelle, ils semblent s’écrier avec le Psalmiste : " Seigneur, n’ai-je pas haï ceux qui te haïssaient, et n’ai-je pas séché de douleur à la vue de tes ennemiS ? " (Ps CXXXVIII, 21), puis s’élancent sur leurs adversaires comme sur un troupeau de timides brebis, sans se mettre en peine, malgré leur petit nombre, ni de la cruauté, ni de la multitude infinie de leurs barbares ennemis ; car ils mettent toute leur confiance, non dans leurs propres forces, mais dans le bras du Dieu des armées à qui ils savent, comme les Maccabées, qu’il est bien facile de faire tomber une multitude de guerriers dans les mains d’une poignée d’hommes, et qu’il n’en coûte pas plus de faire échapper les siens à un grand qu’à un petit nombre d’ennemis, attendu que la victoire ne dépend pas du nombre et que la force vient d’en-haut. Ils en ont souvent fait l’expérience, et bien des fois il leur est arrivé de mettre l’ennemi en fuite presque dans la proportion d’un contre mille et de deux contre dix mille. Il est aussi singulier qu’étonnant de voir comment ils savent se montrer en même temps, plus doux que des agneaux et plus terribles que des lions, au point qu’on ne sait s’il faut les appeler des religieux ou des soldats, ou plutôt qu’on ne trouve pas d’autres noms qui leur conviennent mieux que ces deux-là, puisqu’ils savent allier ensemble la douceur des uns à la valeur des autres. Comment à la vue de ces merveilles ne point s’écrier : " Tout cela est l’œuvre de Dieu ; c’est lui qui a fait ce que nos yeux ne cessent d’admirer " ? Voilà les hommes valeureux que le Seigneur a choisis d’un bout du monde à l’autre parmi les plus braves d’Israël pour en faire ses ministres et leur confier la garde du lit du vrai Salomon,